TTC, un Transporteur de l’Année atypique
A sa deuxième tentative, TTC est devenu Transporteur de l’Année. Mais que de chemin parcouru en deux ans pour cette société gantoise qui avait connu une croissance externe très rapide, mais qui a pris le temps nécessaire pour intégrer ce qui devait l’être sous la direction de Dirk Bryssinck et de Jef Bauwens.
TTC est né d’un MBO. En 1999, Dirk Bryssinck était responsable des transports chez un important grossiste en produits électrotechniques. Il reprend ces activités avec le père de Jef Bauwens pour jeter les bases de Trade & Transport Corporation. Jef Bauwens lui-même entre chez TTC en 2004. « Mon père n’avait pas envie de monter une entreprise de transport, et il m’a proposé de voir si je pouvais créer quelque chose avec Dirk », se rappelle-t-il. Les deux hommes, très complémentaires, commencent alors à écrire une spectaculaire histoire de croissance dans la distribution.
Croissance par opportunités
TM : Vous n’avez jamais pensé vous diversifier vers le B2C ?
Jef Bauwens : Quand nous avons repris le fonds de commerce de la division High Quality de Gosselin et la vingtaine de personnes qu’elle occupait, nous avons rapidement laissé tomber la partie B2C. Nous entrions en concurrence avec des entreprises qui sous-traitent tout, mais nous ne travaillons qu’avec notre propre personnel. A partir de ce moment, nous avons surtout cherché à diversifier nos activités dans le secteur électro-technique, pour ne plus trop dépendre d’un seul gros client.
Dirk Bryssinck : A un moment donné, nous avons eu des difficultés avec Cebeo, mais nous avons pu trouver du travail en sous-traitance pour Maenhout ou Dematra, puis en direct pour des clients électro comme Rexel.
TM : Aujourd’hui, c’est votre plus gros client…
Bauwens : Oui, mais il pèse moins qu’il y a quelques années. Au début, à mesure que nos activités pour Rexel progressaient, nous avons abandonné certains clients, souvent petits, qui n’entraient plus dans notre système. Le secteur des fournitures de bureau, dans lequel nous étions actifs depuis la reprise de Bovic, perturbait l’activité de notre core-business. Nous étions encore un acteur régional, mais nous devions aussi être actifs en Wallonie et c’était assez difficile à rentabiliser. Ces synergies, il n’y avait qu’un seul moyen de les générer : en livrant pour plusieurs fournisseurs chez les mêmes clients.
Bryssinck : Quand Besteldienst Herman a décidé d’arrêter ses activités de distribution, nous avons pu récupérer des clients comme Niko et cela nous a aidés à poursuivre notre développement.
J.Bauwens : C’est à ce moment-là que nous avons présenté à Rexel un plan à l’échelle de la Belgique. Au début, nous pensions tout centraliser à Kruibeke, mais il est rapidement apparu que nous devions travailler avec des hubs secondaires. C’est comme ça que nous avons repris Corman-Califice qui travaillait pour Viessmann dans la région de Liège.
Bryssinck : Nous sommes ensuite entrés dans la phase où il devenait difficile de trouver des chauffeurs.
Bauwens : Avec Waastrans, nous avons d’abord commencé à absorber nos propres pics d’activité et presqu’au même moment, nous apprenions que LIS Transport était occupé à se réorganiser.
Bryssinck : Dans les deux cas, nous sommes assez rapidement parvenus à un accord, mais il fallait trouver un responsable pour chaque site. Mon frère s’occupe de Waastrans à Bornem et mon fils Kenneth, qui a fait des études logistiques, s’occupe du site de St Katelijne Waver (ex-LIS, NDLR).
TM : Peut-on parler de croissance opportuniste ?
Bauwens : Oui, même si nous ne visions pas la croissance à tout prix. Ce sont des opportunités qui se sont présentées à nous.
Bryssinck : A chaque fois, cela nous amenait aussi des chauffeurs supplémentaires.
Bauwens : De plus, LIS nous amenait un site supplémentaire, ce qui nous a permis de réorganiser la distribution nationale à partir de deux sites : notre siège central de Kruibeke et St Katelijne Waver.
Une phase d’intégration
TM : Cela a aussi donné à TTC une autre dimension…
Bauwens : En deux ans, nous sommes passés de 120 à 250 personnes. Cela n’a pas été sans quelques maladies de croissance, mais nous avons passé quelques mois à consolider l’ensemble et à lui donner une structure plate et transparente. Aujourd’hui, l’intégration entre TTC, Waastrans et LIS est achevée. Il restait à travailler notre identité d’entreprise, ce qui a été réalisé en 2020 et s’est achevé avec le lancement de notre nouveau site internet.
TM : Etes-vous aujourd’hui une entreprise plus résiliente ?
Bauwens : Oui, et la manière dont nous avons traversé l’année 2020 le montre.
TM : Quelle autonomie chaque site conserve-t-il ?
Bauwens : Sur le plan commercial et du contact client, même si nous maintenons un contact personnel avec chaque client une fois par an. Sur le plan opérationnel, les sites sont aussi indépendants, mais nous intervenons évidemment pour tout ce qui est structurel.
Bryssinck : Quand un nouveau client se présente, par exemple, nous voyons vite si les synergies seront bonnes ou pas. Notre force, c’est que nous sommes une petite structure. Nous pouvons réagir très vite à une nouvelle idée, contrairement à de grandes structures.
Bauwens : Nous sommes en fait une entreprise de distribution plutôt atypique : nous refusons 95 % des propositions de nouveaux clients. Ce sont souvent de petits clients, mais ils nous empêcheraient de concentrer toute notre énergie sur les grands comptes. De plus, notre domaine d’activités est en croissance, avec tout ce qui tourne autour des panneaux solaires ou les pompes à chaleur par exemple.
TM : Pouvez-vous continuer à grandir de façon organique, en suivant l’évolution de vos grands clients ?
Bryssinck : Oui. Prenez Viessmann, par exemple, qui continue à progresser en reprenant des concurrents. Cela nous ouvre des opportunités de croissance.
TTC 2.0 sera digital à 100 %
TM : Où en-êtes-vous dans vos efforts de professionnalisation de l’entreprise ?
Bauwens : On n’en verra jamais le bout ! Aujourd’hui, notre structure a été optimalisée, mais pour devenir un TTC 2.0, nous devrions peut-être quitter ce lieu-ci, nous installer dans un port, développer du transport multimodal pour grandir en largeur et plus seulement dans ce que nous faisons déjà. Ce sont des décisions qui impliquent aussi les générations suivantes, et il y a encore beaucoup de questions ouvertes.
TM : A quoi pourrait ressembler TTC dans cinq ans ?
Bauwens : A une entreprise entièrement digitale, en espérant que tous nos clients le soient devenus. Les données, nous les avons, mais ce qui va changer c’est la manière dont nous allons les utiliser pour améliorer encore les procédures de contrôle en interne, pour suivre chaque collaborateur de manière plus personnalisée et, évidemment, pour supprimer tout document papier.
TM : Et sur le plan de la flotte ?
Bauwens : Nous ne faisons pas partie de ceux qui se jettent sur les nouvelles formes de propulsion. La plupart de ceux qui le font, c’est pour le marketing.
Bryssinck : Donnez-moi une camionnette avec au minimum 200 kilomètres d’autonomie, mais surtout en version châssis-cabine et avec au minimum 2,7 m d’espace utile. N’oubliez pas aussi que nos chauffeurs ramènent leur véhicule à la maison : il faudra aussi régler la question de l’infrastructure de recharge.
Bauwens : Le jour où ces solutions sont disponibles, et si cela nous permet de faire la différence pour nos clients, nous n’hésiterons pas.
TTC en bref
- Siège central : Kruibeke
- Spécialité : distribution fine de produits électro-techniques
- Direction : Dirk Bryssinck et Jef Bauwens
- Chiffre d’affaires : 23,6 millions EUR (2020)
- Résultat : 882.000 EUR (2020)
- Personnel : 249 personnes, dont 210 chauffeurs
- Flotte : 31 tracteurs, 97 porteurs et 96 utilitaires légers, 30 semi-remorques